Qu’est-ce qu’une bière artisanale ?
On vous parle souvent, sur ce site ou notre page Facebook, de bière artisanale. Mais au fond, qu’est-ce qui fait qu’une bière est artisanale ? Il n’existe pas de définition absolue et chacun fixera la limite entre artisanal et industriel selon ses propres critères. Toutefois, on peut essayer d’esquisser une tentative de réponse.
La première approche pourrait être légale. Si en 2014, Sabine Laruelle a déposé un projet de loi visant à définir la notion d’artisanat, la loi n’est toujours pas en vigueur. De plus, elle s’appuie sur des concepts assez vagues comme le caractère authentique et le savoir-faire. En revanche, elle fixe à 20 travailleurs maximum le personnel de l’entreprise. Ça vaut ce que ça vaut mais ça a au moins le mérite de fournir une frontière claire et quantifiable. Notons qu’en France, une telle loi est déjà opérationnelle.
Poussons plus loin et attardons-nous maintenant à la fabrication proprement dite de la bière. On pourrait définir une bière artisanale selon ce qu’elle contient. Seuls les ingrédients nobles, de base tels que les céréales (orge, froment, avoine, épeautre, …), les houblons, l’eau et la levure seraient tolérés. C’est ce que les Allemands ont voulu faire avec leur Reinheitsgebot. Mais, en Belgique, on a souvent tendance à ajouter des épices et parfois du sucre. Est-ce qu’une telle bière n’est plus artisanale du coup ? Bien sûr que non. Cependant, il est clair que les intrants chimiques (conservateurs, antioxydants, colorants, agents de soutien de mousse, exhausteurs de goûts, …) sont réservés à l’industrie qui en abuse afin de réduire les coûts et accélérer les processus. Certains adjuvants comme l’extrait de houblon isomérisé sont plus sujets à controverse. On pourrait insister sur l’utilisation d’ingrédients les moins modifiés possibles mais qu’en est-il alors de l’utilisation grandissante des houblons en pellets plutôt qu’en fleurs ? Comment faire évoluer l’artisanat sans vendre son âme au diable ? Une question de limite on vous disait…
Une approche plus rationnelle tendrait à considérer les volumes produits par la brasserie. Là encore, chacun posera le jalon où il le souhaite. Doit-on brasser moins de 10.000 hectolitres par an pour qu’une brasserie soit considérée comme artisanale ? Moins de 50.000 hl ? Moins de 100.000 hl ? On voit bien ici la différence entre le mot craft utilisé pour définir les brasseries américaines « artisanales » et la difficulté de traduction au vu des volumes énormes produits outre-Atlantique.
L’indépendance est une caractéristique intéressante. Dans la conjoncture actuelle qui voit le rachat de nombreuses brasseries par des grands groupes brassicoles, difficile de continuer à utiliser le qualificatif « artisanal » dans ce cas. Cela peut être plus vicieux que ça. Une entreprise faisant brasser à façon ses produits n’est, par définition, pas indépendante. Du coup, on pourrait distinguer la bière artisanale (le produit) fabriquée par une brasserie artisanale mais pour le compte d’une entreprise qui, elle, ne l’est pas. Vous suivez toujours ?
Et la qualité dans tout ça ? Eh bien, ça n’a rien à voir. En tout cas, si on parle de qualités gustatives. Même si on peut espérer, et c’est heureusement généralement le cas, qu’une bière artisanale est meilleure au goût, ce n’est pas toujours le cas. Un facteur important, et peu tangible, serait de prendre en compte l’intention du brasseur. Vouloir faire de bons produits, sains, à base d’ingrédients véritables et naturels, est une condition sine qua non pour mériter l’appellation d’artisan.
On le constate, ce n’est pas évident de définir précisément et sans ambiguité le concept de bière artisanale. Souvent, les critères sont cités en opposition avec l’industrie mais pas de manière absolue. Chacun doit se faire sa propre opinion en dégustant les produits disponibles sur le marché et en visitant les brasseries où ils sont fabriqués.